Enquête Interne - un cadre légal plus précis?
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ENQUETE INTERNES -La Cour de cassation fixe la barre plus haut pour les employeurs?
L’arrêt du 18 juin 2025 rappelle qu’un rapport d’enquête interne ne suffit pas en soi : pour convaincre le juge, l’enquête doit être complète, loyale et communicable. Retour sur une décision clé et sur ses implications pratiques pour les professionnels RH.
1. Contexte et faits
Un directeur associé est licencié pour faute grave après des plaintes de harcèlement moral et sexuel. L’employeur diligente une commission d’enquête conjointe avec le CHSCT, auditionne quatorze salariés, mais ne produit que cinq comptes‑rendus et en retranche certains passages. La cour d’appel de Paris juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse ; l’employeur se pourvoit.
2. Ce que dit la Cour
2.1 Preuve libre, mais sous contrôle
« En cas de licenciement pour harcèlement sexuel ou moral, il appartient aux juges du fond d’apprécier la valeur probante de l’enquête interne, au regard des autres éléments ».
L’enquête n’est qu’un élément du faisceau ; si elle est partielle ou biaisée, elle peut être écartée.
2.2 Production incomplète = doute
Les juges relèvent que seuls cinq comptes‑rendus sur quatorze ont été versés et que certains témoignages sont « tronqués » ou anonymisés sans raison valable ; le doute profite donc au salarié.
2.3 L’obstacle RGPD
Les courriels professionnels du salarié sont des données personnelles auxquelles il doit pouvoir accéder ; le refus de l’employeur viole l’article 15 RGPD..
3. Cinq enseignements clés
Intégralité : verser toutes les pièces utiles.
Loyauté : proscrire montages ou coupes “stratégiques”.
Impartialité : enquêteurs formés, idéalement externes ou mixtes.
Confidentialité maîtrisée : anonymiser plutôt que cacher.
Contradictoire différé : le salarié peut être absent de l’enquête, mais doit disposer du dossier avant sanction.
EN SYNTHESE
La Cour de cassation, dans son arrêt du 18 juin 2025 affirme d’abord le principe suivant : « En cas de licenciement pour harcèlement sexuel ou moral (...), il appartient aux juges du fond d’apprécier la valeur probante d’une enquête interne produite par l’employeur, au regard, le cas échéant, des autres éléments de preuve ».
En l’espèce, la Haute Cour valide l’appréciation souveraine de la cour d’appel, qui avait examiné le rapport d’enquête au regard des autres preuves et conclu que les faits reprochés n’étaient pas établis de façon suffisamment probante, de sorte que le doute devait profiter au salarié.
Autrement dit, l’enquête interne – entachée de faiblesses – ne suffisait pas à justifier le licenciement.
Par ailleurs, la Cour de cassation confirme que le refus de l’employeur de communiquer au salarié ses courriels professionnels constituait une violation du droit d’accès prévu par le RGPD, justifiant une condamnation spécifique consacre des exigences claires quant aux enquêtes internes en entreprise, spécialement dans le contexte des faits de harcèlement.
Il rappelle qu’une enquête interne n’est qu’un moyen de preuve parmi d’autres, dont la fiabilité et la complétude peuvent être scrutées par les juges.
L’arrêt souligne que plus l’enquête est menée de manière rigoureuse et équitable, plus sa valeur probante sera élevée ; à l’inverse, des manquements dans la conduite de l’enquête peuvent conduire le juge à en écarter tout ou partie des conclusions.
Cet arrêt du 18 juin 2025 sonne comme un avertissement et un guide pour les employeurs.
Il ne suffit plus de diligenter une enquête interne pro forma ; il faut qu’elle réponde à des standards de sérieux, d’équité et de complétude. Faute de quoi, non seulement l’objectif de prévention des harcèlements ne sera pas atteint, mais l’employeur s’expose à perdre sur le terrain juridique. À l’inverse, en respectant les exigences de droits de la défense, de loyauté, d’impartialité, de transparence et de confidentialité, l’entreprise pourra non seulement mieux protéger ses salariés (victimes comme mis en cause) mais aussi sécuriser ses décisions disciplinaires. Cet arrêt invite donc à professionnaliser les enquêtes internes – ce qui pourrait passer, à terme, par une évolution des textes ou par la généralisation de bonnes pratiques formalisées – afin que ce vide juridique actuel soit comblé par un cadre clair, au bénéfice de tous
IMPACT
Bonnes pratiques RH
Les praticiens rappellent que « l’improvisation peut coûter cher à l’employeur » Herald - Cabinet d'avocats d'affaires. Quelques réflexes :
Formaliser un protocole
Guide interne : déclencheur, calendrier, rôles.
Canevas de comptes‑rendus relus par les témoins.
Documenter sans filtres
Conserver notes, mails, refus éventuels.
Produire en justice une version complète (identités masquées si nécessaire).
Transparence contrôlée
Partager un résumé anonymisé aux parties prenantes une fois l’enquête clôturée.
Anticiper la phase contentieuse : tout élément non communicable ne doit pas fonder la décision.
Sensibiliser managers et CSE
Former les managers aux signaux faibles.
Associer le CSE pour renforcer la crédibilité.
Veiller au RGPD
Traiter emails et logs comme des preuves ; tracer l’accès.
Répondre aux demandes d’accès dans le mois.
Impact pour la politique RH
Avant:
Enquête = “joker” probatoire
Rapport partiel toléré
Témoignages anonymes non produits
Droit d’accès aux emails incertain
Maintenant:
Élément à haut risque si incomplet
Inacceptable : produire l’intégralité
Anonymisation exigée
Clarifié : droit d’accès reconnu
Focus jurisprudence : continuité et ruptures
17 mars 2021 : l’absence d’audition du mis en cause n’entache pas la loyauté.
29 juin 2022 : un rapport conduit par la DRH reste recevable s’il n’est pas illicite.
1er juin 2022 : audition des seules victimes ≠ partialité.
La nouveauté 2025 : le juge passe de la recevabilité à la fiabilité ; un rapport incomplet perd tout pouvoir probant.
Check‑list express : 8 réflexes pour une enquête “béton”
Lettre de mission claire.
Plan d’audition équilibré.
Comptes‑rendus relus et signés.
Recoupement emails, logs, vidéos.
Rapport structuré (faits établis / non établis) à rédiger et enregistrer dans SignalRH.
Anonymisation avant communication.
Archivage sécurisé (5 ans conseillé - illimité dans SignalRH)
Réponse RGPD sous un mois.
Zoom RGPD
Les courriels pros contiennent des données personnelles ; le salarié peut en demander copie. Ignorer la demande expose à une sanction CNIL et renforce la défense de l’ex‑salarié au prud’hommes.
Pourquoi réagir dès maintenant
Audit social : CSE et CAC examineront vos protocoles.
NAO QVCT : intégrez un chapitre “enquête interne”.
En l’absence de nouveau texte, l’arrêt du 18 juin 2025 est déjà votre boussole.
Cas pratique : que fait‑on lundi matin ?
Une salariée signale un message inapproprié :
Accusé de réception et entretien sous 48 h.
Binôme enquêteur (RH + référent).
Gel des preuves : capture du SMS, sauvegarde des mails.
Auditions des personnes concernées.
Journal de bord pour tracer chaque action.
Rapport final au CODIR, information des parties en toute confidentialité.
Timing, traçabilité et confidentialité sont la meilleure assurance contre le risque prud’homal.
L'outil SignalRH est l'outil adapté aux signalements, leur suivi et l'archivage.
De même, nos équipes d'experts peuvent également vous accompagner dans le cadre de l'enquête.