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Recadrer n’est plus neutre : CA Lyon 2025 fait basculer l’AT psychique

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Ce que dit (et change) l’arrêt de la Cour d'Appel

Un différend/recadrage peut déclencher un AT psychique : lorsqu’un choc émotionnel soudain survient au temps et au lieu du travail et qu’une lésion psychique est médicalement constatée, l’événement relève de l’accident du travail (AT), même s’il s’inscrit dans l’exercice “normal” du pouvoir de direction. Cette ligne est cohérente avec la jurisprudence de fond sur les AT psychologiques.

Conséquence clef : si l’AT est établi, s’appliquent les règles protectrices “AT/MP” (notamment en matière de suspension du contrat et de licenciement). La Cour de cassation a rappelé en septembre 2025 la portée concrète de ces protections (conditions et moment où l’employeur est réputé en avoir connaissance).

Pourquoi c’est sensible pour le management

Le “recadrage” n’est plus neutre : la frontière entre entretien “ferme” et choc émotionnel est appréciée in concreto (circonstances, tonalité, contexte, état de santé connu, témoins…).

Si le salarié bénéficie d’un arrêt de travail pour lésion psychique et que les éléments factuels corroborent un événement daté et soudain, la présomption d’imputabilité joue en sa faveur ; la contestation par l’employeur devient complexe.

Impacts juridiques possibles pour l’employeur

Contentieux AT/MP plus probable (imputabilité, soins/arrêts, taux d’IPP). Des arrêts lyonnais de septembre 2025 illustrent que l’imputabilité se tranche au vu de l’ensemble des éléments et non de la seule prise en charge CPAM.

Volet RH : protections “AT/MP” lors des absences (risque de nullité ou sans cause réelle et sérieuse en cas de licenciement mal calé dans le temps/au regard de la connaissance de l’origine professionnelle).

Plan d’action DRH / managers (check-list opérationnelle)

- Préparer les entretiens sensibles : objectifs écrits, faits datés, mots choisis, présence d’un tiers si tension anticipée.

- Proscription des formulations dénigrantes / insinuations ; rester factuel (comportements observables, impacts, attentes).

- Tracer : convocation, durée, lieu, personnes présentes, déroulé synthétique.

- Réagir si malaise/choc : faire cesser l’échange, orienter vers les secours/médecin, déclarer sans délai tout événement pouvant relever d’un AT (procédure interne + R.441-2 CSS côté employeur).

- Soins/arrêts : centraliser les justificatifs, garder le contact bienveillant avec le salarié (sans pression).

- Décisions disciplinaires : geler tant que l’origine pro n’est pas clarifiée ; ré-évaluer le timing au regard des règles AT/MP.

- Former les managers : conduite d’entretien, signaux faibles psychosociaux, alternatives au recadrage “à chaud”.

- Outiller : canal de signalement, indicateur RPS en continu, accès rapide aux ressources d’écoute (service de santé, psychologue, IPRP).

- Mettre à jour : charte managériale, procédures AT/MP, trames d’entretien, fiches réflexes.

- Anticiper le contentieux : kit probatoire (témoignages, mails factuels, attestations), coordination RH-juridique-médecine du travail.

À retenir (1 minute)

Un recadrage mal conduit peut déclencher un AT psychique ; la question clé est la soudaineté + lésion médicalement constatée.

Une fois l’AT “en jeu”, vos marges de manœuvre RH se réduisent : sécurisez le déroulé des entretiens et traitez l’événement en santé sécurité avant toute décision.

Sources principales : CA Lyon, ch. soc. C, 5 sept. 2025, RG 21/08463
Rappels de principe Cass. 2e civ., 17 févr. 2022 (AT psychique) ; éclairages sept. 2025 sur protections “AT/MP”.