Cour d'Appel - Harcèlement moral, AT psychique - Condamnation employeur à 66700 euros d'indemnités
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Référence : CA Lyon, ch. sociale C, 5 septembre 2025, n° RG 21/08463.
Employée dans une entreprise textile, une salariée qui dénonçait des propos humiliants de son contremaître s’est effondrée lors d’une réunion du CHSCT, après que le directeur a qualifié ses alertes de « mensongères ». L’accident psychologique a été reconnu au titre des AT par le pôle social, et la Cour d’appel de Lyon confirme le lien direct entre cet accident du travail et l’inaptitude ultérieure : le licenciement est nul. L’employeur est condamné pour harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité
Les faits
Propos humiliants et agressifs imputés au contremaître depuis plusieurs années, alertes internes restées sans mesure de protection.
En réunion CHSCT où sa situation est abordée, la salariée subit un choc psychique et est placée en arrêt au titre d’un accident du travail.
La CPAM refuse d’abord la prise en charge, mais le pôle social du TJ de Lyon la reconnaît judiciairement.
La décision (CA Lyon, 5 septembre 2025)
La Cour d’appel retient :
+ Harcèlement moral caractérisé sur plusieurs années (C. trav., L. 1152-1 s.).
+ Manquement de l’employeur à son obligation de sécurité (C. trav., L. 4121-1 s.).
+ Caractère professionnel de l’accident psychique du 26 juin 2018, confirmé judiciairement.
+ Lien direct AT → inaptitude → nullité du licenciement (conséquences protectrices du régime « inaptitude d’origine professionnelle »).
Condamnations prononcées: 66 700 €
La société est condamnée à verser à la salariée :
+ 2 000 € (dommages & intérêts pour harcèlement moral),
+ 1 000 € (dommages & intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité),
+ 40 000 € (licenciement nul),
+ 3 851,22 € de préavis + 385 € de CP sur préavis,
+ 17 508,08 € d’indemnité spéciale de licenciement (inaptitude d’origine professionnelle),
+ 2 000 € au titre de l’article 700 CPC, plus dépens.
(Montants extraits de l’arrêt CA Lyon 5 sept. 2025.)
Pourquoi cet arrêt compte (pour dirigeants & DRH)
AT psychique reconnu : un choc émotionnel sur le lieu de travail, même né d’un conflit, peut constituer un AT si le lien avec le travail est établi et objectivé (constats médicaux, témoignages, traçabilité des alertes).
Chaîne de causalité : AT → arrêts/soins → inaptitude d’origine professionnelle → régime protecteur (reclassement renforcé, indemnité spéciale, préavis dû/indemnité compensatrice selon cas, et, ici, nullité du licenciement).
Obligation de sécurité : l’employeur doit prévenir, faire cesser et sanctionner. L’inaction face à des alertes réitérées expose à une double condamnation (harcèlement + sécurité), indépendamment d’éventuelles fautes individuelles.
Points de vigilance opérationnels
Traiter toute alerte RPS « à chaud » (enquête interne, auditions contradictoires, traçabilité).
Protéger immédiatement la personne qui alerte (mesures conservatoires, adaptation du poste, médiation).
Outiller et tracer : registres, comptes-rendus d’entretiens, décisions, suivi médical, échanges CSE (ex-CHSCT).
Éviter les dénégations publiques du type « propos mensongers » en réunion : elles aggravent le risque AT psychique.
Reconnaître le statut AT/MP lorsqu’il est établi et adapter la gestion de l’inaptitude (reclassement renforcé, indemnités).
Former l’encadrement aux RPS et aux conduites managériales conformes.
Ce que change (ou confirme) la jurisprudence récente
La connaissance par l’employeur de l’origine professionnelle de l’inaptitude pèse lourd dans le régime applicable et le contentieux qui s’ensuit ; à défaut, le risque judiciaire demeure élevé au vu des faits objectifs.
Les cours d’appel n’hésitent plus à rattacher l’inaptitude à un AT psychique lorsque les éléments sont convergents (alertes, certificats, décisions du pôle social), avec à la clé des nullités et indemnités substantielles.
À retenir (SignalRH)
Un AT psychique peut naître en réunion CSE/CHSCT si l’on banalise ou discrédite une alerte : conséquences lourdes à moyen terme (inaptitude pro, nullité du licenciement, dommages-intérêts).
La meilleure défense est la prévention : cartographier les facteurs RPS (Gollac), mettre à jour l’annexe RPS du DUERP, ouvrir un canal de signalement confidentiel, instruire et documenter chaque mesure.
SignalRH permet de monitorer en continu les RPS, tracer les investigations, piloter le DUERP (annexe RPS) et sécuriser vos décisions RH/juridiques (reclassement, aménagements, preuves).
Sources
(Cour de cassation – base des cours d’appel) : CA Lyon, ch. sociale C, 5 septembre 2025, n° 21/08463
