Harcèlement sexuel : La France condamnée, les entreprises visées
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CEDH (4 sept. 2025) : une alerte majeure pour les employeurs français
Le 4 septembre 2025, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France dans l’affaire E.A. et Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) c. France (req. n° 30556/22). La Cour constate des manquements du cadre juridique et des défaillances procédurales dans une affaire de violences sexuelles au travail. Elle alloue 20 000 € pour préjudice moral et 1 503,77 € au titre des frais.
Ce que reproche la Cour à la France
Lacunes du droit pénal : en pratique, la définition du viol repose sur « violence, contrainte, menace ou surprise », sans référence explicite au consentement, ce qui crée une insécurité juridique, notamment en cas d’emprise ou de coercition psychologique. Violations des articles 3 et 8 de la Convention.
Défaillances procédurales : exclusion de certains faits sexuels du périmètre d’enquête, investigations parcellaires, durée excessive et appréciation erronée du consentement par les juridictions internes, conduisant à une victimisation secondaire.
La Cour rappelle que le consentement doit traduire la libre volonté au moment de l’acte et qu’aucun engagement passé ne vaut consentement actuel (le consentement est révocable).
Pourquoi les entreprises sont directement concernées
Même si la condamnation vise l’État, le message est clair : les employeurs doivent prévenir, protéger et agir. En droit français, l’employeur a une obligation de sécurité (santé physique et mentale) l’obligeant à des actions de prévention, d’information/formation et d’organisation adaptées. Le défaut d’anticipation, l’enquête interne tardive ou insuffisante, ou l’absence de protection des victimes peuvent engager sa responsabilité.
Par ailleurs, le harcèlement sexuel est prohibé et défini par le Code du travail (incluant les situations d’« ambiance » et la pression grave non répétée). Les politiques internes doivent être cohérentes avec ce cadre.
Enfin, la loi Waserman impose aux entreprises d’au moins 50 salariés une procédure interne de recueil et de traitement des signalements avec des délais de suivi (≤ 3 mois) : un canal d’alerte inefficace ou lent est un risque juridique.
Plan d’action concret (check-list)
Clarifier le cadre interne
Politique « zéro tolérance », politique du consentement, charte et code de conduite explicitant l’abus d’autorité, l’emprise et l’absence de consentement libre en lien hiérarchique.
Sécuriser les alertes
Procédure conforme Waserman (≥ 50 salariés), confidentialité, accusé de réception sous 7 jours ouvrés, traitement et retour sous 3 mois.
Possibilité de mutualiser pour les structures < 250 salariés.
Enquêter vite et bien
Déclenchement rapide, périmètre exhaustif (tous les faits sexuels allégués), recherche et conservation des preuves (numériques incluses), traçabilité. Éviter toute revictimisation.
Protéger immédiatement
Mesures conservatoires proportionnées (éloignement du mis en cause, aménagement du travail), information-consultation des instances lorsque nécessaire.
Documenter chaque étape.
Former
Managers, référents harcèlement/CSE, RH, cellule enquête : formation spécifique sur consentement, emprise, coercition, obligations légales et conduite d’enquête. Légifrance
Aligner disciplinaire & pénal
Coordination des procédures internes et, le cas échéant, signalement au procureur.
Politique disciplinaire graduée et prévisible. Légifrance
À retenir
Lacunes sur le consentement + défaillances d’enquête = condamnation de la France (Art. 3 & 8 CEDH).
En entreprise, la lenteur et l’approximation sont déjà des fautes : prévenir, protéger, enquêter vite. Légifrance
Mettre à jour vos textes internes, former vos équipes et sécuriser vos dispositifs d’alerte dès maintenant. Service Public
Sources principales vérifiées : Communiqué officiel CEDH (04/09/2025) et résumé de l’arrêt E.A. & AVFT c. France
