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Biais cognitifs : Saboteurs invisibles de nos décisions en entreprise?

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Dans l’univers feutré des réunions stratégiques comme sur les chantiers industriels les plus exposés, une réalité nous concerne tous : notre cerveau n’est pas infaillible.
Malgré notre expertise, notre expérience ou notre rigueur, nous sommes tous influencés par ce que l’on appelle des biais cognitifs — des mécanismes mentaux automatiques qui simplifient la prise de décision, mais au prix d’un risque : la distorsion du jugement.

Dans les métiers des ressources humaines, du management ou encore de la santé, sécurité et environnement (HSE), ces biais peuvent avoir des conséquences bien réelles sur la qualité des décisions, la prévention des risques, et même la culture d’entreprise. Or, ils sont invisibles, souvent inconscients, et également, trop souvent bien installés!

Qu’est-ce qu’un biais cognitif ?

Un biais cognitif est une erreur systématique de raisonnement qui découle d’un traitement mental rapide de l’information. Face à l’incertitude, à la complexité ou à la pression du temps, notre cerveau utilise des raccourcis mentaux (heuristiques) pour aller plus vite… mais pas toujours dans la bonne direction.

Contrairement aux idées reçues, ces biais ne sont pas des symptômes d’ignorance. Ils sont humains, universels et même... adaptatifs. Le problème, c’est qu’ils s’immiscent dans des situations où la rigueur devrait primer.

Dix biais fréquents… et dangereux

Voici un tour d’horizon de dix biais cognitifs que l’on retrouve régulièrement dans les environnements professionnels, notamment dans la gestion des risques, le leadership ou la prise de décision collective :

1. Biais de normalisation des écarts :
Quand un comportement à risque devient la norme parce qu’aucun accident n’est survenu jusque-là.
"On a toujours fait comme ça, jamais eu de problème..."

2. Biais de confirmation :
On cherche et retient uniquement les informations qui confirment notre opinion.
"Je ne retiens que ce qui valide ce que je pense déjà."

3. Excès de confiance :
L’illusion de compétence ou d’invulnérabilité pousse à négliger les règles.
"Avec mon expérience, ça ne peut pas m’arriver."

4. Biais de statu quo :
On préfère ne rien changer, même si c’est sous-optimal.
"Pourquoi revoir une procédure qui fonctionne (plus ou moins) ?"

5. Effet de halo :
On accorde un crédit démesuré à une personne "charismatique" ou "légitime".
"Si c’est validé par le chef, c’est que c’est bon."

6. Biais d’ancrage :
La première information reçue influence toute la suite de notre analyse.
"L’audit précédent n’avait rien signalé, donc tout est OK."

7. Biais de groupe (ou conformisme) :
On s’aligne sur les comportements du collectif, même s’ils sont déviants.
"Personne ne porte ses EPI, je ne vais pas être le seul."

8. Biais de récence :
Les événements récents sont surévalués par rapport aux tendances de fond.
"Il n’y a pas eu d’incident ces derniers temps, pas de raison de s’inquiéter."

9. Biais de disponibilité :
On se fie à ce qu’on a en mémoire, pas forcément à ce qui est statistiquement pertinent.
"Je me souviens d’un cas similaire qui s’est bien passé, donc ça ira."

10. Biais d’optimisme :
La croyance que les problèmes arrivent surtout aux autres.
"Franchement, ça ne risque pas de nous arriver."

RH, sécurité, management : un enjeu transversal

Dans le domaine RH, les biais cognitifs se retrouvent dans la gestion des talents, le recrutement, la mobilité interne, l’évaluation ou encore la gestion des conflits. Ils influencent la perception des profils, la confiance accordée à certains collaborateurs, ou la résistance au changement.

En matière de sécurité, ces biais peuvent entraîner des décisions trop rapides, une minimisation des risques ou une confiance excessive dans les habitudes. Le tout enrobé d’une bonne dose de "bon sens collectif", qui n’est souvent que la somme des illusions individuelles.

Côté management, ils influencent la façon dont on évalue les performances, dont on interprète les situations ou dont on prend des décisions sous pression.

Comment les neutraliser ?

On ne peut pas supprimer les biais cognitifs, mais on peut en réduire les effets par plusieurs leviers :
- La formation : Sensibiliser les équipes aux biais, les reconnaître et les nommer.
- La mise en place de garde-fous : Checklists, avis croisés, procédures formalisées.
- L’humilité cognitive : Accepter que l’erreur est humaine, surtout quand on pense avoir raison.
- Le rôle du collectif : Favoriser un climat où chacun peut remettre en question une décision, sans crainte.
- L’analyse des incidents : Mettre en lumière les erreurs de jugement, pas seulement les erreurs techniques.

En conclusion

Les biais cognitifs ne sont ni des ennemis ni des excuses.
Ce sont des mécanismes naturels qu’il faut apprendre à identifier pour mieux sécuriser nos environnements professionnels et prendre des décisions plus justes.

Dans un monde du travail de plus en plus complexe, rapide et interconnecté, cultiver cette lucidité devient un levier stratégique.
Car parfois, le plus grand risque, c’est de croire que l’on n’en prend aucun.